Les conséquences de la robotisation des confits sur les guerres du futur

Compte tenu de l’indispensable supériorité qu’offre l’utilisation de robots out the loop dans les conflits, il se peut que, une fois mis au point, ils remplacent définitivement l’Homme dans les guerres. Mais leur fabrication nécessitant encore un investissement économique important et des technologies de pointe, le privilège de s’équiper d’une armée de robots ne sera donc accessible qu’aux pays riches et développés, ce qui aura comme conséquence grave de rendre les guerres encore plus asymétriques. En effet, les pertes humaines seront certes moindres du côté le mieux équipé, mais elles seraient inestimables de l’autre côté, les robots ne connaissant ni limite morale ni hésitation, et étant dotés d’une précision de tir chirurgicale et destructrice. L’absence de tout contrôle moral conduirait à des massacres épouvantables qui n’auraient de fin, pour le programme des robots, qu’avec l’extermination totale de ce qui est désigné comme ennemi, ce qui multiplierait les génocides. Afin d’illustrer cette idée, on ne peut heureusement pour l’instant s’appuyer que sur des œuvres de fiction, comme notamment le célèbre film Elysium. Cette œuvre nous présente un futur proche où les pauvres vivent sur une Terre polluée et surpeuplée, alors que les riches se sont créé un paradis spatial nommé Elysium. Toute intrusion de terriens au sein de cette station est gérée par des robots de type out the loop, ce qui conduit à des massacres qui pourraient exister sur Terre d'ici une vingtaine d'années si la robotisation des armées se poursuit au même rythme.

La seconde conséquence possible de la mise en place d’armées de robots n’en est pas moins grave. En effet, les guerres avaient jusqu’à présent une ampleur limitée à cause des souffrances qu’elles engendraient chez les civils. On peut par exemple citer en 1917 le peuple russe qui, souffrant de la faim et voyant ses enfants mourir les uns à la suite des autres, s’est révolté pour que la guerre cesse. Mais une robotisation de l’armée n’engendrerait plus de pertes humaines du côté le mieux équipé au cours des conflits, ce qui risquerait de banaliser les guerres. Ainsi, un pays possédant une armée de robots efficaces ne perdrait rien à déclencher une guerre, surtout contre un pays n’en possédant pas. Sûr d’en ressortir victorieux sans la moindre perte humaine, il n’hésiterait plus à envoyer ses ‘troupes’ à l’autre bout du globe, ce qui rendrait les guerres plus fréquentes, plus meurtrières et de surcroît encore moins morales.

Ci-contre : capture du film Elysium. Les populations pauvres, qui tentent d'accéder aux soins, sont neutralisées par une armée de robots de sécurité. Réalité ou fiction ? Quoi qu'il en soit, Microsoft a déjà équipé son campus en Californie de vigiles out the loop...

La conséquence ultime de l’octroi aux robots d’une intelligence artificielle ainsi que d’une conscience dignes de celles de l’Homme pourrait être un soulèvement généralisé des robots contre l’Humanité, guerre dans laquelle, comme l’ont imaginé de nombreux écrivains et cinéastes, l’Homme n’aurait aucune chance, compte tenu de la résistance, de la précision et du pouvoir de destruction massif des robots. 

Le concept d’intelligence artificielle, créé en 1950 et dont la recherche scientifique débute en 1956, vise à réussir à doter une machine (ordinateur ou robot) de sentiments ‘humains’ et de la compréhension de ses propres raisonnements, afin qu’elle puisse en arriver au stade final de l’humanisation, c’est-à-dire la conscience de soi. Critiquée par certains, abandonnée après des déceptions dans les années 1980, les recherches concernant l’AI renaissent à l’aube du troisième millénaire avec le développement de matériel (hardware) plus performant. Pour les partisans de l’AI, il ne manquerait donc plus que des logiciels adéquats pour permettre à l’ordinateur central des robots de se doter d’une conscience. 

 Ci-contre : affiche du film A.I. Intelligence artificielle de Steven Spielberg.

 

 Quoi qu’il en soit, cette intelligence artificielle, de par la diversité des scénarios qu’elle offrirait une fois mise en place, a fortement inspiré les écrivains et réalisateurs. En effet, si les robots sont dotés d’une ‘conscience de soi’, il leur sera alors possible de s’identifier comme un groupe social, groupe qui, s’il est sensibilisé aux valeurs d’égalité et de liberté, se sentirait opprimé par l’Humanité qui le force au travail, d’où la volonté de révolte. Outre les rares films tels que le récent  Interstellar dans lequel les robots intelligents sont au service de L’Humanité et du progrès scientifique, dans la plupart des scénarios, ils se soulèvent contre leur créateur afin d’obtenir leur liberté et de dominer le monde à leur tour. Ce qui pourrait paraitre comme un vulgaire scénario de blockbuster hollywoodien aujourd’hui pourrait devenir un débat important dans quelques années : faut-il chercher à continuer à développer l’intelligence des robots, sachant que s’ils obtiennent une conscience d’être et ils deviennent réellement ‘humains’, des risques de refus d’obéissance et de rébellion pourraient se présenter ?

On remarque historiquement que, au fur et à mesure que les robots ont évolué, les « scénarios catastrophes » imaginés ont empiré. HAL 9000, dans le célèbre 2001, l’Odyssée de l’Espace de Kubrick est le premier robot à tuer délibérément et consciemment un être humain, bien que ce soit encore dans le cadre du respect de l’ordre donné pour mener à bien la mission. 

Quelques années plus tard, apparaît pour la première fois dans Terminator l’idée d’une potentielle future guerre entre l’Humanité et les Robots, dans laquelle les robots utiliseraient tous les moyens d’anéantissement dont les hommes les ont doté, ce qui conduirait à la fin de l’Humanité. Ce film est également intéressant pour un autre point qu’il aborde : donner à des robots la faculté de compréhension de leurs propres raisonnements et de conscience d’être pourrait les amener à un stade encore jamais atteint, c’est-à-dire celui où les robots se mettraient à produire de leur propre initiative d’autres robots. 

Ce thème sera repris dans le fameux Matrix, qui, encore une fois inspiré par l’évolution de la robotique, va plus loin que son prédécesseur : les robots sont désormais capables de programmer et de comprendre entièrement le fonctionnement de l’Homme, ce qui leur permet de lui donner l’illusion d’une réalité qui n’existe plus : les robots, dotés de facultés d’apprentissage, deviennent alors supérieurs à l’Homme qu’ils asservissent.

 Ci-contre : le célèbre robot HAL 9000, du film 2001, l'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrick.